UN ART DE VIVRE ISSU D'UN ART DE TUER

 

L’histoire du Iaidō et des différents koryū (écoles anciennes) est assez complexe. On peut la commencer avec la disparition progressive sur les champs de bataille des longues lames portées à cheval tranchant vers le bas au profit des katanas, à partir du milieu du XVe siècle et surtout au cours du XVIe siècle. En effet, les caractéristiques et les propriétés techniques (telles que la courbure particulière ou que les alliages utilisés par les forgerons) permettent de multiplier des techniques de dégainement se prolongeant en une coupe, avec le moins de contraintes possibles.

C’est à cette époque que les premières techniques de iaijutsu (iai de combat, alors pratiqué) telles qu’on les connaît aujourd’hui vont se développer.

Si les premières écoles de kenjutsu apparaissent dès le début du XVe siècle (Katori Shintō Ryū fondée par Iizasa Choisai Ienao [1387 – 1488] ; Chujo Ryū fondée par Chujo Nagahide [vers 1390 – vers 1430] ; Kage Ryū fondée par Aizu Hyūga no Kami Iko [1452 – 1538]), il faut attendre le XVIe siècle pour voir se développer pleinement ce type d’écoles au Japon. Et c’est également à cette époque, que toutes les sources s’accordent à dire qu’un certain Hayashizaki Jinsuke Shigenobu (vers 1542-1621) aurait créé la première véritable école de iaijutsu, la Shinmei Musō Ryū après un songe (musō) dans un sanctuaire (shinmei signifiant divinité).

Il forma un très grand nombre d’élèves qui créèrent à leur tour de nombreuses écoles et styles variés (Hoki Ryū, Tamiya Ryū, Jushin Ryū, Hayashizaki Ryū, Shin Musō Hayashizaki Ryū…). A l’âge de 73ans, il fit une deuxième tournée du Japon où il continua de former des élèves. Il est alors dit que, fortement influencé par le Zen, il insista sur le côté spirituel de l’enseignement.

A sa mort, ses étudiants changèrent le nom de l’école pour Shin Musō Hayashizaki Ryū et divers sōke (grand maître d’une école) lui succédèrent sans modification majeure de l’école jusqu’au septième, Hasegawa Chikaranosuke Eishin (ou Hidenobu, autre lecture des caractères formant le nom Eishin) qui adapta notamment des techniques développées pour les anciens sabres longs (tachi) pour les katanas et inventa d’autres techniques dont certaines formeront le socle de chūden la 2ème série de katas, en tatehiza. L’école pris alors le nom de Hasegawa Eishin Ryū.

Un autre grand contributeur fut Hayashi Rokudayū Morimasu (1661-1732) le neuvième sōke qui apporta des techniques en seiza de l’école Ōmori Ryū, socle qui formera plus tard shōden, la 1ère série de katas enseignée comme initiation. A la mort du onzième sōke un schisme apparut pour des raisons géopolitiques qui divisèrent l’école en deux branches : la Tanimura-ha et la Shinomura-ha.

 

Nakayama Hakudo

Les derniers sōkes respectifs de ces deux branches furent Ōe Masamichi (1852-1927) et Nakayama Hakudō (1873-1958). Ils modifièrent définitivement le visage du Iaidō.

Le 1er étudia les deux styles, reclassa les katas des 3 séries, rationalisa son style, élagua pas mal son école et lui donna le nom définitif de Musō Jikiden Eishin Ryū. Nakayama Hakudō lui aussi étudia les deux styles, ajouta des techniques apprises ailleurs, clarifia et codifia aussi son école et lui donna le nom de Musō Shinden Ryū Battō Jutsu qui devint Musō Shinden Ryū à son décès. Il en sera le dernier sōke car malheureusement il ne nomma pas de successeur à sa mort mais son style se répandra tout de même dans tout le Japon et le monde entier.



1868 - 1946 RESTAURATION MEIJI ET FIN DES SAMURAI

Après la fin d'une longue période d'isolation, avec l'arrivée d'armées occidentales au milieu du XIXème siècle, le Japon rentra dans une crise identitaire et son époque féodale et de fermeture prit fin. De grandes réformes chamboulèrent le pays dès 1868 avec ce qu'on appelle la restauration Meiji , du nom de l'empereur de l'époque, avec notamment la fin du Shogunat, des castes traditionnelles (dont celle du guerrier/samourai) et l'interdiction du port du sabre (édit Haitōrei de 1976).

En 1895 fut fondée l'Organisation des Arts Martiaux Japonais sous le nom de Dai Nippon Butoku Kai (大日本武徳会, butoku 武徳 étant un quasi synonyme de budō ou bujutsu, arts martiaux ou voie martiale, avec en plus le sous-entendu de Valeurs morales vertueuses à respecter par le guerrier (bushi)), organisation non gouvernementale mais parrainée par l'Empereur, dans l'optique de préserver et promouvoir les arts traditionnels nippons.



APRÈS 1946 - FÉDÉRATION JAPONAISE DE KENDŌ
LE IAIDŌ FÉDÉRAL

Après la deuxième guerre mondiale et la défaite du Japon a suivi une occupation américaine de l'archipel. Avec son lot de réformes économiques mais aussi culturelles. Ainsi, la Dai Nippon Butoku Kai, à cause de ses liens avec l'armée impériale, fut dissoute en 1946. La fédération japonaise de Kendō (全日本剣道連盟 Zen Nihon Kendō Renmei ou Z.N.K.R.) fut fondée en 1952 sur ses cendres, immédiatement après la levée de la tutelle américaine et sa mise au ban des arts martiaux traditionnels. Le iaidō ainsi que le jōdō y furent incorporés dès 1956.

La D.N.B.K., suite à la proposition de Jigorō Kanō sensei (qui voulait clarifier les différentes étapes d'apprentissage du judo), reprit les grades (Dan) de 1 à 10 initialement crées au 17e siècle dans le cadre du jeu de Go et du Shōgi, ainsi que les titres honorifiques (shōgō 称号) de Renshi (littéralement "samurai mature") en 1934, Kyoshi ("samurai érudit et enseignant") en 1902, et Hanshi ("samurai modèle") en 1902 aussi. Auparavant, antérieurement à la D.N.B.K. seuls existaient le principe des certificats, les fameux Menkyo (免許), pour hiérarchiser les pratiquants et enseignants.
La Z.N.K.R. réutilisa le même système que la D.N.B.K.

Assez vite, la Z.N.K.R. définit un Zen Ken Renmei Iaidō, populairement appelé Seitei Iai, un ensemble de formes codifiées (seitei) proposé d'abord à des fins fédératives. Ce iaidō était à ce moment principalement ciblé comme étant un savoir à maîtriser pour les pratiquants de Kendō (notamment les hauts gradés). Cependant, ce iai devint populaire aussi auprès des pratiquants d’écoles anciennes de iaidō et fut peu à peu adopté par tous les iaidōka de la Z.N.K.R..

Aussi, afin d’assurer la prospérité du iaidō, un taikai du Japon (tournoi) fut établi en 1967 et depuis, se tient tous les ans(1).

Plus précisément, en 1966 une réunion de 7 experts ne permit pas d'obtenir un consensus sur les katas du seitei Iaidō. Ce n’est qu'en 1968, que 12 grands sensei désignés par la ZNKR furent rassemblés en comité au Budōkan à Tōkyō , et arrivèrent à se mettre d’accord, et développèrent une série de katas standardisée (2) en s’inspirant de leur propre école de Iaidō pour la mise au point de chaque élément.

En mai 1969, le Seitei Iai fut présenté pour la première fois au public au cours du festival des arts martiaux du Kyotō Taikai. Il comportait alors 7 katas ayant pour origines différentes écoles. Les deux premiers katas, Mae et Ushiro, provenaient de la Ōmori Ryū. Le troisième kata, Ukenagashi, provenait d’un kata commun à la Ōmori Ryū et à la Muso Jikiden Eishin Ryū. Le quatrième kata, Tsuka ate, était similaire aux techniques de tatehiza de la Eishin Ryū. Ensuite, le cinquième kata, Kesa giri, était dérivé d’un kata d'Hoki Ryū. Morote tsuki était une technique d’estoc que l’on retrouve dans de nombreuses écoles de Iaidō. Enfin, Sanpō giri de provenance inconnue, mais assez classique des koryū aussi.

Lorsque l’enseignement du Iaidō progressa, il fut décidé d’ajouter 3 katas supplémentaires. Ils furent intégrés en 1980. Le huitième kata, Ganmen ate, provenait des techniques okuden de Musō Shinden ryū. Soete Tsuki vint d’une technique d'Hoki Ryū ainsi que le dixième kata, Shihō Giri. En 2000, après que tous les katas eurent subi une simplification en 1988, 2 autres katas se virent ajoutés, portant leur nombre définitif (?) à 12 : Sōgiri, est une adaptation de Sōmakuri de la série okuden de Musō Shinden Ryū, ou de Gohogiri de l'école Jikiden Eishin Ryū, et Nukiuchi provient du kata Gokkyou de l’école Mugai Ryū.

Le Seitei Iai (Zen Nippon Kendo Renmei Iai) sert de base commune à toutes les écoles pour les passages de grades ou les compétitions. Un manuel de la ZNKR existe en japonais, ainsi qu’une traduction anglaise officielle. De même, les règles d’arbitrage lors des compétitions, en anglais et japonais. (3)

Les enseignants du dōjō de Mushin no Shin se proposent de transmettre en premier lieu ces techniques. La série Seitei Iai est ainsi conçue au sein de ce club comme une base formatrice afin de mieux appréhender les mécanismes corporels et de comprendre les fondements des techniques qui régissent la manipulation d'un sabre, afin d’aborder le travail de l’école ancienne avec un savoir-faire déjà en place.

(1) Yamastuta Shigeyoshi – Musō Shindenryū. Ed. Aryudo. 9e dan Hanshi Iaidō
(2) Même façon d’armer, mêmes chiburi, hauteurs de coupes… quelque soit le kōryū d’origine du kata exécuté et quelque soit le kōryū pratiqué par l’exécutant de la forme.
(3) Ces manuels sont disponibles à la vente sur le site de la fédération japonaise à cette adresse : https://zenkenren-shop.com/english/iaido-en/


Liste des 12 Sensei du comité chargé de la définition en 1969 -(7 kata ) :

- Danzaki Tomoaki, 9e Dan Hanshi, Muso Shinden Ryū
- Yamatsuta Jukichi, 9e Dan Hanshi, Muso Shinden Ryū
- Yamamoto Harusuke, 9e Dan Hanshi, Muso Jikiden Eishin Ryū
- Masaoka Kazumi, 9e Dan Hanshi, Muso Jikiden Eishin Ryū
- Muto Shuzo, Hanshi, 9e Dan Hanshi, Hasegawa Eishin Ryū
- Kamimoto Eichi, 9e Dan Hanshi, Hasegawa Eishin Ryū
- Yoshizawa Ikki, 9e Dan Hanshi, Hoki Ryū
- Tsumaki Seirin, 8e Dan Kyoshi, Tamiya Ryū
- Suetsugo Tomezo 8e Dan Kyoshi, Muso Shinden Ryū
- Nukada Hisashi, 8e Dan Kyoshi, Muso Shinden Ryū
- Ohmura Tadaji, 8e Dan Kyoshi, Muso Shinden Ryū
- Sawayama Shuzo 8e Dan Kiyoshi, Hoki Ryū

 

Comité de 1980 de la ZNKR - révision et ajout de 3 kata :

- Danzaki Tomoaki, 9e Dan Hanshi, Muso Shinden Ryū
- Kamimoto Eichi, 9e Dan Hanshi, Muso Shinden Ryū
- Hashimoto Masatake, 9e Dan Hanshi, Muso Jikiden Eishin Ryū
- Wada Hachiro, 8e Dan Hanshi, Muso Shinden Ryū
- Mitani Yoshisato, 8e Dan Hanshi, Muso Jikiden Eishin Ryū
- Sawayama Shuzo, 8e Dan Hanshi, Hoki Ryū

 

Liste des personnes impliquées dans la rédaction du manuel du Seitei Iai :

- Kojima Masaru Sensei
- Ikeda Teruo Sensei
- Kawamura Yoshio Sensei
- Fukuda Kazuo Sensei
- Ueno Sadanori Sensei
- Kishimoto Chihiro Sensei
- Fujita Tadashi Sensei
- Fujita Mitsuaki Sensei
- Okura Noboru Sensei

 

 

 

 

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