Le Iaidō et la Nécessaire Fantaisie de faire de la Compétition
Chères iaidōkas et néanmoins amis, certains d'entre vous pour des raisons toutes plus différentes et honorables les unes des autres n'ont jamais fait de compétition et n'envisagent même pas cette éventualité. Pour les uns c'est un choix éthique : gommer l'aspect sportif d'une pratique martiale ou jadis un combat à mort éclipsait ce type de badinage.
D'autres mettrons en avant la volonté de ne pas entrer en concurrence dans une discipline où trancher son propre ego a longtemps été le maître mot. Pour la majorité, les raisons sont plus terre à terre mais non moins respectables : conserver une pratique martiale mais qui doit rester avant tout une source de loisir et de détente. Cette dernière justification peut aussi se décliner de manière plus insidieuse et non dite en peur du résultat, en déception devant une performance vue comme médiocre ou contre-productive.
Malgré ces explications, qui à elles seules peuvent renvoyer ce modeste article aux calendes grecs, j'aimerais, comme l'illustre le titre, vous parler de la nécessaire fantaisie de faire de la compétition.
Effectivement, faire de la compétition dans notre art peut s'avérer au premier abord relever de la fantaisie. Mettre en rivalité des pratiquants, voir des clubs (dojo ?), pour savoir qui va prévaloir déroge avec l'esprit de la pratique et peut tendre justement à développer le coté obscur de la force, pardon, de la personnalité. En ce sens, cet exercice devient rapidement antinomique avec l'idée même de notre discipline et de son suffixe de dō. Celui-ci implique non seulement notre bien être, notre épanouissement personnel mais aussi par extension celui des autres !
La compétition est vue par beaucoup (votre serviteur y compris) trop souvent comme un moyen, un moment de domination physique et mental d'un parti sur un autre. Tout doit être mis en place pour ne laisser aucune chance à son adversaire en l'empêchant de développer sa stratégie préétablie et en imposant la sienne.
Tout doit être fait pour écraser son rival, ne pas le laisser s'exprimer, j'ai même envie de dire exister ! Cette interprétation revient à entretenir puis à cultiver ce que les moines bouddhistes, Mathieu Ricard en tête, nomment des toxines mentales : égoïsme, arrogance, jalousie, haine.
Comment alors continuer à pratiquer le iaidō quand, dès les premières heures de la pratique, le senseï met l'accent sur l'harmonie, la paix intérieure, ne serai-ce que pendant le salut ou l'annonce du mokuso ? Comment continuer à pratiquer le iaidō en suivant ce chemin alors que votre professeur partage généreusement avec vous et vos camarades ses connaissances si durement acquises ?
Ne nous trompons pas ici. C'est un tout autre aspect de la compétition qui sera le sujet de mon panégyrique.
En premier lieu, sortir de sa zone de confort. Travailler dans son dojo sous le regard bienveillant du senseï en prenant son temps afin d'exécuter kihons et katas est une chose, se mettre à nu devant des juges et un public en est une autre. On ajoute une difficulté causée par l'adrénaline ou par l'angoisse qu'il faut gérer et canaliser. Cette situation inconfortable peut être mise en parallèle avec des épisodes stressants que tout un chacun peut rencontrer dans sa vie quotidienne. A ce moment, la compétition peut être vue comme un apprivoisement de ces tensions internes, un moyen de trouver à la fois dans le iaidō mais aussi dans la vie de tous les jours, une plus grande stabilité émotionnelle.
Deuxième raison, la compétition vous donne aussi, non pas un but mais une échéance. Vous devez vous préparer pour cette date, ce jour, ce rendez vous. Là encore, dans la vie quotidienne, il est prouvé que se donner une échéance est une source de progression car au quantième indiqué vous devez être près et avoir fourni les efforts nécessaires. Peu importe le résultat. Le plus important ici est d'avoir travaillé sérieusement et de prendre conscience des points à retravailler afin de pouvoir encore franchir les paliers qui nous séparent de l'impossible perfection.
Troisième raison, le fait que nous suivons une discipline martiale et que nous ne devons pas l'oublier ! Tout comme en combat sportif il est trop tard pour travailler des points technique ou la condition physique, le combat de iaidō obéit aux mêmes lois, au même code. Il ne faut plus étudier, corriger, améliorer mais mettre en pratique ce que l'on a appris dans le cadre du cours. A-t-on déjà vu un boxeur apprendre de nouveaux enchaînements pendant un championnat du monde ? A-t- on déjà vu un pratiquant de combat libre spécialiste du sol chercher à placer un kakato geri à son adversaire une fois dans la cage? Non mes amis ! Il faut retransmettre à ce moment ce que l'on a appris, afin de voir si nous l'avons compris, analyser, synthétiser en bref si nous nous le sommes approprié.
Enfin, la dernière raison avant que l'ennui ne vous lasse et la morale n'intervienne…se retrouver pour partager une journée ou un week-end ensemble entre pratiquants, retrouver vos partenaires de club, ceux que vous avez rencontré dans des stages, et cultiver amitiés et passion du iaidō. Plus que la journée de ceux qui auront la chance de monter sur le podium (qui d'ailleurs n'existe pas!) cette journée sera celle de notre art et de tout les pratiquants, un instant le plus souvent fugace, fixé sur papier glacé afin de nous remercier, nous les compétiteurs, mais aussi de remercier nos professeurs et tout ceux qui, avant eux, ont transmis et permis ce moment de communion et de rassemblement d'hommes et de femmes qui ne se seraient probablement jamais rencontrés sans cette envie commune.
Manuel Vialle
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