IAIDO ET DANSE

 

Élégance du geste, grâce du mouvement, précision de la posture… ne vous y trompez pas, le Iaido n’est pas de la danse. Certes, c’est un art, mais un art du combat ! La souplesse, l’agilité, l’équilibre sont monopolisés dans un but essentiel et déterminé : affronter un ennemi ! Esquiver son attaque, le rendre vulnérable, le surprendre et le déstabiliser, parfois jusqu’à l’issue fatale, c’est l’enjeu ! Tout du moins l’idée ! Car le Iaïdo a ceci de désorientant : l’ennemi est virtuel, il est envisagé. On pourrait croire alors, à seulement y regarder d’un œil observateur,  qu’il s’agit de se déplacer avec distinction et charme. On en revient à la danse, ou plutôt une certaine idée de la danse : faire beau ! Mais c’est un peu réducteur… la danse, c’est bien autre chose, une recherche perpétuelle, une expression de l’être, de la vie, du monde, et, dans cette recherche perpétuelle, elle rejoint les arts martiaux. Elle aussi est une confrontation, un combat, avec soi, avec le corps, avec l’esprit. La rigueur qu’elle exige en témoigne. Elle déploie la même énergie, elle réclame la même détermination.

Dans la plupart des cultures, la danse est d’ailleurs le préliminaire au combat. Elle galvanise et décuple les capacités physiques et mentales. Elle prépare le corps et l’esprit à se dépasser. Elle rend disponible des facultés de l’être souvent insoupçonnées dans la facilité du quotidien,  dans les habitudes de gestes mesurés, confortables et réconfortants, car on ne se pose pas la question de marcher, de s’asseoir ou de tendre la main, mais bondir, ramper, glisser, s’élancer, c’est autre chose. Certaines personnes, qui n’ont aucune pratique physique, ont peur de réaliser des mouvements plus amples qui les perturbent, qui les gênent, voire qui leur font mal, car la souplesse n’est pas au rendez-vous, parce que le muscle n’est pas habitué à se détendre suffisamment, parce que l’équilibre, l’axe, la  conscience de l’espace et de soi dans l’espace sont fragiles. Sortir des gestes conditionnés par notre mode de vie, par notre contexte culturel demande un effort. Soudain, il faut y penser ! Il y a une volonté, une prise de conscience, entre équilibre et déséquilibre, qui va rendre le déplacement plus juste, plus efficace… Il s’agit de sauver sa peau ! ne l’oublions pas, il est question de l’art du combat. 

Ce lien entre la danse et le combat n’a évidemment pas échappé à nombre de chorégraphes qui alimentent leur travail par l’approche et même la pratique des arts martiaux. Ainsi, Maurice Béjart, figure éminente de la danse contemporaine, demandait à ses danseurs de la compagnie de Lausanne de suivre des cours de Kendo en complément de leur entraînement. Il évoquait, pour justifier ce choix, la longue tradition des danses guerrières dans toutes les cultures du monde.


Le Iaïdo n’est donc pas de la danse, surtout pas, nous le disions au début, mais pratiquer les deux n’est pas incompatible : l’un apporte à l’autre, et vice et versa, dans la compréhension de soi, de son corps, dans la recherche d’un équilibre, au sens propre comme au sens figuré, car l’équilibre des mouvements participe à l’équilibre de la vie : comprendre que l’équilibre dépend du déséquilibre et que de l’ajustement des deux dépend l’aisance à se mouvoir et exister.


La danse m’a conduite au Iaïdo et le Iaïdo m’a ramené vers la danse. Il y a pour moi une interaction dans la pratique des deux disciplines, même si l’état d’esprit est différent ! Et ce n’est pas facile de le saisir quand on vient de l’univers de la danse. Je me suis souvent entendu rappeler à l’ordre pendant les entraînements : « Tu ne fais pas de la danse ! Il faut garder l’esprit de combat !»  C’est vrai, il ne faut pas passer à côté de l’essence même de l’art martial, bien qu’il y ait sans doute plusieurs façons  de l’envisager et de pratiquer, chacun arrive avec ses antécédents, ses expériences diverses. Je me suis alors rendu compte que le geste est révélateur de l’intention. Sans y réfléchir, on dit beaucoup de choses sur soi à travers la gestuelle que l’on adopte. S’interroger sur ses mouvements, c’est s’interroger sur soi et son rapport aux autres. Au-delà de l’apprentissage technique, au-delà de l’exercice physique, le Iaïdo, comme la danse, est un travail de réflexion, un art de repenser le corps. L’art est à la croisée des deux disciplines, art du combat, art de la danse, art au premier sens du terme, celui de façonner, car il s’agit bien de cela, façonner le corps, le pétrir pour en tirer le meilleur parti et se donner plus de liberté. A bouger sans contrainte, sans peur, on se sent tellement plus libre, tellement plus à son aise pour avancer dans l’existence. Il faut essayer de tendre vers cela, même si cette liberté et cette aisance sont tous les jours remises en question et que le chemin est long pour bien s’entendre avec soi.

 

Caroline Lambert

 

 

 

 

 

 

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