Ki Ken Taï No Itchi
Soyons clairs : ce qui suit s'adresse à des pratiquants et non à des personnes non instruites en Iaidō. C'est un outil d'analyse et de réflexion qui vient en support à une pratique régulière dirigée par un enseignant et ne peut en aucun cas la remplacer.
On ne peut apprendre le Iaidō par la lecture !
Cela dit, une analyse détaillée de ce que l'on fait peut permettre un approfondissement et une compréhension apportant une évolution de cette pratique.
Ki Ken Taï No Itchi ou Ki Ken taï Itchi
Ki : esprit, cœur, sentiments.
Ken : sabre.
Taï : corps.
No : particule.
Itchi : harmonisation, synchronisation, mise en accord.
L'esprit, le sabre et le corps ne font qu'un.
Ni ésotérique ni mystique, cela veut dire qu'il est nécessaire de synchroniser ces 3 éléments pour réaliser une action puissante, fluide et juste, donc harmonieuse. L'élégance ou la beauté qui découle de cette harmonie est une conséquence et non un but à rechercher.
Je vous propose cette réflexion, mais ne la prenez pas pour argent comptant. Etudiez-la, pratiquez-la et voyez par vous-même si elle est juste ou non.
De même la notion du Ki Ken TaÎ no Itchi, n'est pas une notion figée. Trop de gens se focalisent sur leur premier apprentissage de cette notion, souvent celle qui en est donnée dans le Seitei Iaidō. Or, dans d'autres écoles, (Shinkage Ryu, dans l'Okuden de Muso Shinden Ryu...) la forme du Ki Ken Taï no Itchi n'est pas identique à celle formalisée dans le Iaidō de la ZNKR.
Par exemple dans le Shinkage Ryu, on peut couper puis faire suivre le pied.
Dans l'okuden de Muso Shinden ryu, il n'y a pas toujours de fumikomi lors d'un coupe sur avancée d'un pas ou de plusieurs (Sō Makuri, Sodome...).
Cette notion/sensation du Ki Ken Taï no Itchi est plus une hamonisation de l'intention, du déplacement/énergie du corps avec le sabre, qu'une façon formelle du type coupe avec le déplacement du pied arrière. Cette façon de faire est une première approximation, un moyen pédagogique pour apprendre à harmoniser/synchroniser les différents éléments nécessaires à une action efficace. Moyen qu'il faudra faire évoluer...
L'esprit fournit l'énergie d'intention, la motivation, le corps fournit l'énergie physique et le sabre transmet le tout, sans rupture, sans dysharmonie.
Cela nécessite :
- Disponibilité importante du corps (souplesse, musculature adaptée);
- Communication élevée entre corps et esprit;
- Connaissance de l'action à mener :
- Timing et distance (les deux sont interdépendants) ;
- Hauteur, angle et direction de coupe, de tsuki ou d'atemi;
- Partie du corps de l'adversaire concernée ;
- Connaissance certaine de l'outil de transmission (sabre).
Exemple de Ki Ken Taï No Itchi sur Morote Tsuki :
Le 1er pas est fait pour s'approcher de son adversaire. Il est fait par le pied droit.
Au moment de lever son pied gauche pour entamer le 2e pas on porte tranquillement les mains vers son sabre, que l'on saisit de telle façon que cette action de saisie s'inscrive déjà et naturellement dans le mouvement et la direction de sortie du sabre.
Ce n'est pas en premier saisie de la Tsuka et en second sortie du sabre. Pour que cette action soit la plus fluide possible, il est important que le mouvement de saisie aille dans le même sens que le Nukitsuke (action de dégainer et de couper dans un même geste).
Cela permet aussi d'être plus discret sur l'action qui est initiée.
Le corps ne s'arrête pas, de même que le dégainer qui se fait bien sûr en menaçant l'adversaire en dirigeant progressivement mais très précisément la Tsuka Kashira vers son visage (entre ses deux yeux) et en orientant la lame selon l'angle de la coupe qui va suivre (de la tempe droite de l'adversaire à son menton).
Les deux mains s'éloignent l'une de l'autre.
Bien sûr, la main gauche en reculant la Saya pour participer au dégagement du sabre, a un chemin plus court à parcourir que la droite, mais il faut aussi les synchroniser, i.e. effectuer ces 2 mouvements sur des distances différentes mais dans un même temps, de façon qu'à la fin du dégainer le mouvement de la main gauche se transforme en sayabiki sans rupture d'avec le mouvement de dénuement de la lame, toujours par recherche de fluidité.
On en arrive au début du 3e pas et sur la fin de la sortie du sabre. Le Kissaki (pointe du sabre) est libéré de la Saya (fourreau).
La main droite tient principalement le sabre par le »V » représenté par le pouce et l'index, et par le petit doigt. À part le petit doigt, les autres sont relâchés, mais ne sont pas ouverts. Ces 2 points d'appui vont initier le mouvement de rotation du sabre. Pendant cette rotation, les doigts vont venir serrer progressivement et fermement la Tsuka les uns après les autres, petit doigt, annulaire, majeur, et pour finir index et pouce.
La pose du sabre sur la tempe de l'adversaire est faite à la suite du pivot de la lame autour du poignet et en même temps que la pose des orteils et du bol du pied droit.
Au moment de la coupe proprement dite (descente de la lame de la tempe de l'adversaire à son menton, la rotation de la lame depuis le koiguchi jusqu'au contact à la tempe n'étant pas à proprement parler la coupe) plusieurs actions vont à nouveau se dérouler au même instant « t » :
Le talon du pied droit se pose ;
Le bassin se remet de face en ramenant la hanche gauche puissamment sur le temps de la coupe proprement dite et à la même vitesse, ce qui a pour conséquence de faire avancer le pied gauche de quelques centimètres ; il faut veiller à garder la jambe gauche puissante et allongée (le talon est levé de quelques millimètres) ;
Le bras droit descend en gardant l'orientation du sabre jusqu'à ce que le Kissaki ait coupé jusqu'au menton de l'adversaire ;
La main gauche effectue le Sayabiki avec les mêmes vitesse et puissance que la coupe. Garder le même angle pour la saya que l'angle de la coupe.
Une fois encore, toutes ces actions doivent être menées dans le même temps.
Attention à quelques points très importants.
Si le talon droit est posé avant l'avancée du pied gauche, alors il en résultera un abaissement et une remontée du bassin. Cela réduira en partie l'énergie du corps transmise à la coupe, en la dispersant dans plusieurs directions.
La coupe se fait une fois le sabre posé sur la tempe en descendant le bras et le sabre comme un ensemble.
Le Sayabiki permet d'équilibrer la puissance mise dans la coupe et d'arrêter la lame de façon nette. Il doit être fait dans le même temps que la coupe elle-même.
À la fin de la coupe, le poids du corps doit être réparti de manière équitable (i.e. 50%-50%) sur les 2 jambes, les points d'appuis étant sur le point Yusen de chaque pied.
Tout le monde peut constater dans son quotidien que l'on est capable de mettre en mouvement ses membres supérieurs bien plus rapidement que le bassin ou les membres inférieurs. Cela a pour conséquence que pour synchroniser la vitesse du sabre et le déplacement du corps, il faut, bien évidemment, réduire la vitesse des bras pour l'ajuster à celle du corps.
Par l'entraînement et une compréhension du corps, et donc de son utilisation plus grande, plus profonde et plus juste, on pourra très progressivement accélérer sans perdre de vue le Ki Ken Taï No Itchi.
On ne peut pas espérer trouver cette synchronisation en quelques séances, mais on peut toujours s'en approcher un peu plus et encore un peu plus et encore…
Dans le scénario de ce Waza, on peut imaginer que l'adversaire évite la coupe en reculant la tête. L'action suivante va consister à le menacer avec le Kissaki pour accentuer ce déséquilibre. Il est important d'avoir un Zanshin et une motivation très forts pour garder l'adversaire au bout du sabre.
Étape suivante, préparation du Tsuki.
Le Kissaki descendant au niveau de la gorge, il se passe plusieurs choses dans le même temps :
Avancée du pied gauche jusqu'à ce que ses orteils soient juste derrière le talon du pied droit, mais en gardant la largeur des hanches ;
La Tsuka est recentrée ;
Le Koiguchi tenu par la main gauche est ramené à l'axe du corps, et la main gauche lâchant la Saya va prendre la Tsuka, dans un seul mouvement.
Quelques points importants :
- Le Kissaki n'a pas avancé ;
- Le poids est réparti 50/50 sur les 2 pieds, ceci permettant d'avoir une poussée efficace du pied gauche.
- Trop souvent le poids du corps est porté sur le pied droit avec pour conséquence de devoir reprendre appui sur le gauche pour pouvoir avancer le droit ou de tomber vers l'avant et non pas gérer sa vitesse;
- Les coudes effleurent les flancs ;
- Les pieds ont la largeur des hanches qui font faces à l'adversaire;
- La main gauche s'est porté sur la tsuka dans la suite du mouvement de ramener le koiguchi, en toute fluidité, en un seul mouvement.
Exécution du Tsuki.
Le corps avance par le pied droit. Le sabre reste dans la même position, près du corps les coudes effleurant les flancs. À ce moment très court, le talon droit n'est pas encore posé.
Puis :
- Le talon droit se pose en même temps que la hanche gauche avance entrainant le pied gauche légèrement, la jambe gauche est tendue;
- Le ventre pousse les mains qui poussent fermement le sabre en avant en descendant le Kissaki au niveau du plexus-estomac de l'adversaire. Ces mains remontent très légèrement et s'arrêtent naturellement lorsque le bras droit est quasiment tendu. Les bras ne sont ni complètement tendus, ni crispés. Le pivot de la poussée des bras tenant le sabre est à environ 1/3 de longueur de lame depuis la tsuba et ce pivot se déplace horizontalement (les mains remontent légèrement et le kissaki descend au plexus).
Points à vérifier à la fin du Tsuki :
- Les hanches sont de face ;
- Les épaules sont détendues, de même hauteur, et perpendiculaires à la direction du sabre;
- Le poids du corps est réparti équitablement sur chaque jambe ;
- Le buste est bien droit;
- La tête est à l'aplomb du bassin ;
- Les pieds sont parallèles et écartés de la largeur des hanches ;
Il est plus qu'important que sur tout le déplacement depuis la préparation de la 1e coupe en Nanamé jusqu'à la fin de cette technique, le bassin se déplace sur un plan parallèle au sol.
Pour aller chercher (et rendre inoffensif) le 2e adversaire qui est derrière nous, il faut tourner par la gauche le plus naturellement possible.
Il est évident que dans le travail des Katas, le scénario est connu par avance et donc la position des adversaires, mais il est profitable de se rapprocher autant que possible d'une situation réelle. Cela veut dire qu'on ne peut pas raisonnablement diriger le regard directement à 180° derrière soi. Il faut balayer du regard l'espace jusqu'à trouver ce 2e adversaire.
La rotation de la tête entraîne naturellement celle des épaules, puis celle des hanches (à moins de bloquer).
Dans le même temps, le travail des pieds est de pivoter sur les points Yusen ; pendant ce temps, le sabre est sorti naturellement du corps de l'adversaire par la rotation des hanches en montant les mains (donc la tsuka). Les mains doivent rester souples.
Attention à ne pas mettre les fesses en arrière pendant l'exécution de la rotation !
Au contraire, il faut garder le centre de gravité sur l'axe des pieds, le buste droit et la tête à l'aplomb du bassin, le nombril en avant du corps.
À la fin de la rotation, le pied gauche se déplace légèrement ver la gauche afin de récupérer une largeur de hanches entre les pieds et légèrement vers l'avant, donc en résultante en oblique, ce qui permet de déclencher facilement le pas vers l'avant.
Pendant cette partie finale du pivot, le corps passe sous le sabre, les mains ayant continué de monter.
Entre le Tsuki et la coupe sur le 2e adversaire, le sabre doit évoluer sur le plan vertical représenté par ces 2 positions.
Après la sortie de la lame du corps de l'adversaire, lors de la montée de cette lame, le kissaki va rester légèrement plus bas que la tsuba pour effectuer un mouvement d'Hiki Nuki.
Les mains exécutent un grand arc de cercle pour initier la coupe qui se fait avec la même synchronisation que la 1e, à ceci près, qu'elle est verticale et donc que le Monouchi se pose sur le centre du front de l'adversaire en même temps que la pose du bol du pied droit, la coupe en elle-même se faisant sur le travail simultané de la pose du talon du pied droit et de l'avancée des hanches entrainant le pied gauche et le Kissaki descend jusqu'à ce que le sabre soit horizontal.
Le travail des 2 mains sur la Tsuka se fait comme pour la 1e coupe, mais comme s'il n'y avait qu'une main : les 2 points d'appui pour initier la coupe sont le « V » formé par le pouce et l'index de la main droite, et le petit doigt de la main gauche.
La 3e coupe se fait de façon identique à la 2e avec la notion d'Uke Nagashi, et à la rotation et l'armer le kissaki monte plus haut que l'horizontale.
Le Chiburi se fait en Yoko (sur le côté). Pour cela, il faut encore synchroniser les deux mains : leur faire exécuter deux actions différentes sur un même temps.
La main gauche va lâcher la Tsuka et se diriger vers la hanche gauche pendant que la main droite va mettre le sabre à plat, tranchant vers l'extérieur, et le décaler sur la droite de la cuisse de façon ferme. L'arrêt de la lame doit être net afin que le sang se détache correctement, et en même temps que la main gauche se pose aussi de façon ferme sur la hanche gauche. Cette exécution ne peut être puissante sans l'utilisation du ventre.
Plusieurs repères :
- L'angle de la lame est tel que le Kissaki se trouve sur une ligne horizontale avec le bas de la Tsuba (même angle que si le sabre était posé au sol) ;
- Le Kissaki est dirigé vers l'adversaire ;
- Le bras droit est à 45° en direction du sol et à 45° sur la droite;
- Les deux mains sont à la hauteur des hanches ;
- La Tsuka est parallèle à la direction du corps ce qui donne la position du Kissaki.
Noto
Faire glisser la main gauche le long de la Saya en gardant un Zanshin très fort, jusqu'à ce que l'on puisse prendre le fourreau avec les trois derniers doigts (petit, annulaire et majeur); l'index et le pouce étant utilisés pour guider la lame. Le bout du pouce se plaçant à l'intérieur de la dernière articulation, celle qui sépare les deux dernières phalanges de l'index, de telle manière à ne laisser place qu'à une fine fente.
Faire pivoter le sabre autour du poignet sur 10° à 15° (sans déplacer la main), puis amener le sabre à la rencontre de la main gauche en déplaçant la main et le sabre, et en continuant de faire pivoter la pointe, le tout dans un mouvement continu et fluide.
Le sabre arrivant, on met la Saya à plat, et l'on pose la lame dans le guide offert par les pouce et index de la main gauche, le Habaki n'étant pas loin de l'index gauche (Tsubamoto).
De la même façon que pour le dégainer, les deux mains vont s'éloigner l'une de l'autre de manière synchronisée. La main gauche fait le même déplacement que pour la Sayabiki, la droite allant dans la ligne du pied droit. La lame reste dans le guide de la main gauche jusqu'à ce que le Kissaki soit prêt à renter dans le fourreau. À ce moment, la main gauche aligne la Saya au sabre. L'alignement ne doit pas se faire par le déplacement de la main droite.
Puis on rengaine le sabre en maintenant le bout du pouce dans la gorge, le premier tiers de la lame à plat, le deuxième en rotation et le dernier tiers, tranchant vers le haut : les deux mains se rapprochent l'une de l'autre de telle façon qu'à la rencontre, la Tsuba se retrouve à l'axe du corps.
Quelques points :
Le Noto doit se faire sur un plan proche de l'horizontal;
Il ne faut ni appuyer sur le sabre ni le relever ;
Les doigts de la main droite se remettent en place sur la Tsuka comme lorsque l'on commence à dégainer.
À la fin du Noto, le pouce gauche prend le contrôle de la Tsuba sans être crispé.
Le corps avance par le pied gauche qui rejoint le pied droit. Il y a un espace d'un poing entre les genoux qui sont légèrement fléchis ; le buste est bien droit et le ventre « posé », le nombril légèrement en avant.
Puis la main droite se détache de la Tsuka « comme un serpent qui se détache et tombe d'une branche ». Cette main rejoint le côté de la cuisse droite.
Puis trois pas de recul en commençant par le pied gauche permettent de revenir à la place de début du Kata. Pendant ces 3 pas, le regard remonte progressivement jusqu'à un niveau corespondant à regarder à 5-6 mètres au sol.
À ce moment, et seulement à ce moment Morote Tsuki est terminé.
Il ne faut pas relâcher sa vigilance avant cet instant, et même encore…
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Bien qu'ayant essayé d'assimiler au mieux les principes du Iaïdo, en aucun cas je ne prétends que ce qui précède est la référence en matière de Seitei Iaï. Pour cela se référer aux publications et grands experts de la ZNKR.
C'est un exemple de recherche à effectuer pour approcher la notion de Ki Ken Taï No Itchi.
Ma proposition est la suivante : il faut bien sûr de bons enseignants pour former de bons pratiquants. Mais cela ne suffit pas. Il est nécessaire que chaque pratiquant cherche à comprendre et à sentir par lui-même ce qui est juste avec son corps.
On montre à un enfant comment dessiner les lettres qui vont lui permettre de lire et écrire, mais, avec plus ou moins de compétence pédagogique on ne fait que lui montrer ; c'est lui qui apprend et cherche à comprendre.
Dictionnaire Robert :
Apprendre c'est acquérir une connaissance, recevoir une information que l'on ignorait ;
Comprendre c'est en percevoir le sens, s'en faire une idée claire ;
Assimiler c'est transformer la connaissance en sa propre substance.
Il ne s'agit plus de répéter et pour cela il faut chercher.
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Ramón Ferreiro
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